Antoigné, haut lieu de la métallurgie à sainte Jamme sur Sarthe
L’implantation d'une forge sur le site d’Antoigné, à Sainte Jamme sur Sarthe, au XVIIème siècle, n'est pas le fruit du hasard : la ressource en matières premières guide toujours l’installation d’un site de production. Ainsi, le site d’Antoigné réunit toutes les conditions pour l’aménagement d’une industrie du feu à partir du XVIème siècle: une rivière pour la force hydraulique, du bois pour le charbon et non loin de là, à La Bazoge, un affleurement de ferrite pour le métal.
Au Moyen Age, la forge est un privilège de la noblesse car elle est en relation avec la fabrication d’armes. A l’époque moderne, la forge s’organise en trois ateliers : les hauts-fourneaux pour la production de fonte, la forge avec affinerie et chaufferie pour le martelage de la fonte et sa transformation en fer puis la fenderie pour la découpe du fer. C’est à cette époque que la forge d’Antoigné évolue vers une industrie à part entière.
Au milieu du XIXème siècle, Antoigné connaît ses premières difficultés à cause de la concurrence de la sidérurgie anglaise. En 1840 et pendant une quinzaine d’années, la forge s’arrête et malheureusement se dégrade avec son abandon. En 1855, le haut-fourneau est rallumé par Victor Doré pour les besoins du chemin de fer. En 1859,la forge se reconvertit en fonderie de seconde fusion : pour s’adapter aux nouvelles techniques, Le haut-fourneau est détruit, deux cubilots le remplacent pour refondre la fonte achetée en Angleterre ou dans les régions du Nord-Est de la France dans le but de mouler et couler des pièces diverses en fonte. C’est à cette époque que le site d’Antoigné est associé au nom de la famille Doré-Chappée. Par voie de succession, le site d’Antoigné est cédé à Armand Chappée, époux de Victorine Doré. Avec Armand Chappée, Antoigné connaît une forte croissance grâce à une conjoncture favorable et à sa politique de paternalisme envers ses ouvriers. En effet, Le rôle du paternalisme aux XIX et XXème siècles (à l’instar des bassins miniers, des entreprises du Creusot, de Michelin à Clermont-Ferrand pour ne citer que ces exemples) est de répondre aux problèmes rencontrés en prenant en charge l’ouvrier. Le paternalisme est défini comme le caractère familial des relations entre employeurs et employés. Le patron assume l’autorité et les devoirs d’un père à l’égard de ses « enfants salariés ». Il est responsable de leur bien-être en contrepartie de quoi ils lui doivent respect et obéissance. « Le patron doit être un père à qui Dieu impose l’obligation de remplir les devoirs de la paternité aussi bien d’un point de vue spirituel que matériel. ». La famille Chappée a appliqué ces principes à Sainte Jamme sur Sarthe et les maisons ouvrières sont le symbole le plus marquant de ce passé.
Les entreprises des chemins de fer et de télégraphie sont les principaux clients d’Armand Chappée, mais l’usine fabrique également des objets de toutes sortes. Preuve de son succès, Armand Chappée obtient en 1889 le grand prix de fonderie à l’Exposition Universelle de Paris. Face à cette prospérité, il fonde la Société Chappée et fils afin d’exploiter l’usine d’Antoigné mais également celle de Port-Brillet en Mayenne qu’il achètera en 1908. En 1897, l’usine entre dans une nouvelle phase de production grâce à la fabrication en série de radiateurs en fonte.
Durant la Première Guerre Mondiale, l’usine d’Antoigné ne s’arrête pas de fonctionner et participe à l’effort de guerre en produisant grenades et obus. Grâce à la continuité de sa production, l’usine s’étend vers le village de Sainte-Jamme-Sur-Sarthe avec la construction d’un nouvel atelier dénommé « La 23 », en référence à l’année de son édification.
En 1922, Armand Chappée meurt et c’est tout d’abord son fils Louis qui reprend l’usine. Mais ce dernier démissionne au bout de trois années de lutte contre son frère Julien à qui il cède ses parts puis quitte son poste de maire. Malheureusement, à partir de ce moment, les mauvaises décisions s’accumulent et obligent Julien Chappée à vendre l’usine d’Antoigné en 1928 à la future Société Générale des Fonderies.
Après la Seconde Guerre Mondiale, la Société Générale de Fonderie est en pleine expansion avec la période de reconstruction et l’augmentation du niveau de vie mais aussi d’une demande accrue de confort. C’est ainsi qu’elle profite de la généralisation du chauffage central pour augmenter sa production de radiateurs en fonte en employant pas moins de 1 800 ouvriers de formations diverses. Cependant, l’entreprise achète de nouvelles usines sans prendre en compte les mutations de l’époque tel que le développement du chauffage électrique ni les conséquences du premier choc pétrolier des années 1970. Ne cherchant pas à diversifier sa production, l’usine décline peu à peu, les bâtiments ferment les uns après les autres jusqu'à l’arrêt total de la production en 1985.
En ce qui concerne le patrimoine de la commune, il est donc surtout d’ordre industriel. De nombreux bâtiments ont un lien avec le passé industriel de la fonderie et notamment sous la période faste d’Armand Chappée, du nom de l’ancien propriétaire de la fonderie au XIXème et XXème siècles.
o Il y a tout d’abord l’ancienne cantine des ouvriers, transformée en musée ;
o Le château d’eau, en béton hennebique, de forme circulaire est utilisé comme lieu d’entrepôt par l’association avec son système hydraulique resté intact ;
o mais aussi la« 23 », bâtiment où l’on fabriquait des radiateurs en série, ainsi que d’autres bâtiments qui sont situés sur un domaine privé actuellement ;
o Puis viennent s’ajouter divers bâtiments construits sur la commune, comme des logements d’ouvriers et de cadres, l’école ménagère, de nombreux équipements les concernant et en lien avec le paternalisme développé par Armand Chappée.
L’ancienne cantine d’entreprise et le château d’eau appartiennent à la mairie qui les a acquis après la fermeture de l’usine en 1987. Le bâtiment de l’ancienne cantine d’entreprise est typique de l’architecture industrielle du XXème siècle (association de brique et structure métallique, larges baies vitrées, …). Il a été construit en 1917 et a connu différentes affectations telles que centrale de production électrique, garage pour locomotives et enfin cantine d’entreprise. Cette structure, vieille de près de cent ans vient d’être restaurée.
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